À l’heure où l’IA s’invite partout, parfois perçue comme complexe ou menaçante, il reste un immense champ à explorer : celui de l’imaginaire et de la création.
Cet été, CapTalents vous invite à prendre de la hauteur à travers des rencontres inspirantes sur sa page Linkedin. Pour cet épisode, nous avons choisi de sortir du cadre et d’oser rêver en donnant la parole à Naomi Roth, experte en intelligence artificielle, dont le parcours transdisciplinaire croise journalisme d’investigation, anthropologie et sciences humaines.
Nous lui avons demandé :
CapTalents : Quel usage créatif, surprenant, et nouveau de l’intelligence artificielle pourrions-nous imaginer ?
Naomi Roth : L’IA générative est douée pour créer des imageries et des vidéos oniriques*, alors il m’arrive de m’étonner qu’un réseau social de partage de retranscription vidéo de nos rêves n’ait pas encore été inventé. Nous pourrions bien nous lever un jour et nous connecter pour partager à une IA les bribes d’images oniriques qui nous ont accompagnées durant la nuit. Ces souvenirs fugaces pourrait être transformés par un système de type “speech-to-video”, c’est à dire une application qui produirait le film de notre nuit basé sur le récit que nous en ferions au petit matin. Un réseau social des rêves !
CapTalents : Et si le futur se cachait dans les rêves éveillés des machines ?
Naomi Roth : : Peut-être bien en partie, oui. Prenons les “hallucinations” de l’IA : ces moments où elle invente des réponses fausses. On les présente souvent comme un bug indésirable, mais elles sont parfois brillantes. Ingénieurs, designers ou chercheurs s’en servent comme tremplin d’exploration. En recherche scientifique, on peut pousser un modèle à “fabuler” pour ouvrir des pistes inattendues, puis les tester dans le réel. Nous avons déjà aujourd’hui en cours de production des médicaments, des matériaux ou même des plans de villes nés de ces “co-hallucinations”.
CapTalents : Est-ce possible d’entretenir une forme de vigilance joyeuse dans un monde technologique en mutation ?
Naomi Roth : : Oui, en évitant deux pièges : le techno-pessimisme et le techno-optimisme. Ni l’un ni l’autre ne nous sert à long terme. Le premier nous fait sombrer dans la dystopie, le second peut gaspiller temps et ressources, nourrissant une procrastination qui nous détourne des vrais enjeux. Dans cette vision la technologie est la réponse à tout, et quelqu’un de très intelligent, quelque part, va bien finir par trouver une innovation qui nous sortira du pétrin. Chacune de ces postures occulte une part de la réalité de l’outil, alors qu’on peut rester enjoué tout en étant réaliste.
CapTalents : Et donc, comment cultiver un regard à la fois lucide et inspiré sur l’IA ?
Naomi Roth : La solution passe par le développement proactif d’un “muscle techno-réaliste” : une posture où se rencontrent nuances, espoirs et recul. Concrètement : reconnaître les effets d’annonce, être exigeant, chercher des preuves, accueillir les idées nouvelles en les replaçant dans leur contexte, relier chaque nouveauté à des usages réels et documentés… Avec les organisations que j’accompagne, nous faisons ce pas de côté pour trier le signal du bruit et observer la technologie sans artifices : elle n’en a pas besoin pour inspirer.
Nous avons demandé à ChatGPT d’illustrer cet article par une image… et la voici ci-dessous à droite !

